lundi 6 février 2017

L’Amérique

Il y a un mois, plus d’un mois maintenant je suis partie aux États-Unis. C’était la première fois. Et contrairement à beaucoup de gens de mon âge et de pas mon âge à travers le monde, les États-Unis m’ont jamais fait rêvé. Peut-être parce que y’a un côté antisystème à être anti-américain. Peut-être parce que je suis l’arrogance à la française.
Je suis allée à New York pour y rencontrer ma famille et passer Noël. On est aussi passés par Boston en fin de trajet.
Je vous évite l’arrêt cardiaque quand en partant d’Ottawa je me suis rendue compte que j’avais pris mes billets pour la semaine d’avant (et j’ai dû faire des changements et rester dans une gare à Montréal sans savoir si j’aurais le bus le soir même à minuit.
On dormait à Brooklyn dans un appartement surchauffé, dans un quartier animé. Très animé entre les éclats de voix parce que quelqu’un était rentré en pleine nuit et que la voisine l’a viré en gueulant (il devait être 3h) ou encore le léger accident de voiture qui a néanmoins bloqué le klaxon pendant une bonne vingtaine de minutes (toujours en pleine nuit), réveillant littéralement tout le quartier, créant un attroupement juste en face de chez nous et ameutant les policiers.
Je ne sais pas comment je pourrais tout à fait retranscrire mon sentiment sur New York. J’ai été rassurée sur les américains juste avant la prise de pouvoir de Trump, j’ai aussi été prise de court par leur société. Dans les deux sens du terme. Ce serait bateau de dire que les États-Unis renferment le pire et le meilleur de l’Homme. Et pourtant …
D’un côté j’ai assisté à une messe évangéliste dans lequel tout le monde chantait, criait ce qu’il avait sur le cœur, ils nous ont serré la main, nous ont accueilli. J’ai vu le désir du pasteur-prêtre-moine (pardon je ne suis pas calée en religion) de ramener les jeunes noirs (oui parce que les seuls blancs de la messe étaient des touristes comme nous) hors de la violence, de la haine, de les pousser à étudier encore. C’était plus qu’une messe c’était un discours. Et malgré la durée de la messe j’ai été fascinée, j’ai cru discerner un léger bout de ce qu’est l’âme des États-Unis. Une culture noire qui n’a pas forcément été médiatisée. Une de ces cultures qui font la richesse de ce pays et qu’on oublie trop. Parce que c’est dans ces quartiers de Brooklyn que je me suis sentie le plus à l’aise. Imaginez un peu que quelques kilomètres plus loin, entre la mer et le quartier russe il y avait le Brooklyn richissime. Des maisons en forme de villa, de palais, immenses et décorées comme jamais. Nous sommes allés voir les « illuminations » c'est-à-dire des maisons entièrement recouvertes de lumières de noël, des soldats géants automatisés, des arbres sertis de LED, des pères noëls et des rennes partout. Ça m’a littéralement rendu dingue. Je me suis imaginée les milliers de dollars dépensés pour … être mieux que le voisin ? Faire plaisir aux touristes ou aux pauvres venant voir les lumières de noël. J’ai littéralement halluciné devant l’étalage des richesses. Et c’est un peu ce que New York m’a montré. Un Manhattan blanc (du moins dans les restaurants, hôtels, clubs…) et un Harlem noir. Un quartier chinois à côté du quartier italien. Des identités fortes, des richesses disparates.
Je ne sais pas trop quoi en penser, je ne juge pas, je me contente d’observer. Un soir en rentrant en métro on a vu des musiciens de rue faire danser 3 jeunes femmes aux styles et aux coiffures typiquement new yorkais (je ne sais pas comment appeler ça autrement, c’est un délire la mode à NY, beaucoup de manteaux de fourrures et de mix de textures). Un après-midi dans un magasin de sport un homme est venu nous parler pour nous dire qu’Hollande c’était de la merde, que la France n’était plus la France et que Trump venait sauver le pays. J’ai mis 3h avant de reprendre un rythme cardiaque stable et espoir en l’humanité (Je précise que l’homme en question était né de parents immigrés allemands et que sa femme était ukrainienne naturalisée).
J’ai été déçue par la statue de la liberté et bouche bée par le pont de Brooklyn. J’ai adoré Central Park, poumon de la ville, et le Met qui est si beau qu’il défierait presque le Louvre (arrogance à la française j’ai dit ?). Il a neigé, il a plu, il a fait beau et froid. On a eu de la chance de voir tout ça en seulement quelques jours. On a mangé des immenses hamburgers et des cheesecakes. On est montés sur des immeubles qui touchaient le ciel sans comprendre l’urbanisation chaotique de la ville. Après on a visité le musée de New York et on a compris les règles bizarres de la cité qui ne dort jamais. On a vu un morne Wall Street et un Greenwich Village charmant. On a visité le monument érigé pour les victimes du 11 septembre et je l’ai trouvé bien. Pudique et marquant.
J’ai été surprise de voir Ellis Island, l’île qui a créé l’Amérique, une terre d’apatrides, de réfugiés, d’immigrés qui ont tout quittés pour construire autre chose. J’ai encore moins compris les américains.
Ensuite nous sommes allés à Boston. La ville des Kennedy. Une ville de bord de mer à l’allure anglaise/irlandaise. On avait parfois l’impression de se déplacer dans les décors de Sherlock Holmes. On a suivi un fil sur le sol qui faisait découvrir la ville. On a beaucoup marché, y compris sur un pont branlant qui nous a filé des frayeurs (bon il n’était pas branlant mais transparent, c’était stressant quand même).
C’est là-bas que je suis repartie en bus, les larmes plein les yeux. Comme une chouineuse.
J’ai rien compris aux américains, ils brouillent les musées et les idées, ils vivent follement fort et ils créent, ils montent vers le ciel et gueulent fort.
Les ricains vraiment… c’est quelque chose.
Mais j’suis pas mécontente de rentrer au Canada, le pays des gentils.
Et je serais pas mécontente de rentrer en France dans quelques mois. Même si je vais y retrouver l’ambiance tendu, terrible de l’élection qui s’annonce être vitale pour l’avenir de l’Europe, de la France, de mon optimisme. Allez on y croit !

Et voici une petite suggestion de musique qui me file les frissons :

samedi 14 janvier 2017

Mon travail dans l'édition

Eh bien eh bien me revoici ! Ça fait deux semaines que j'ai repris le travail, soit l'équivalent de mes vacances. Mes vacances qui furent assez mémorables. Je les raconterai dans le prochain post mais aujourd'hui je me suis dit que ça pouvait intéresser certaines personnes si je parlais de mon travail.
Techniquement mon stage fait partie de ma troisième année d'études post bac, je suis toujours étudiante de SciencesPo, il dure 8 mois (avec 2 semaines de congé comprises) et est à temps plein.
Je suis dans une maison d'édition francophone basée en Ontario (province majoritairement anglophone) et plus précisément à Ottawa (Ottawa est la capitale du Canada et à la frontière du Québec qui est la province francophone). Il y a plus de 250 000 francophones dans l'Ontario.
Je présente ici une carte :

On peut voir les deux villes principales : Toronto (appelée la mini New York) et Ottawa (ville avec beaucoup d'institutions publiques dont le Parlement). L'Ontario est principalement peuplé dans le Sud et l'Est.
Avant de venir au secteur de l'édition en particulier, j'ai besoin de faire un point sur la géographie et l'importance de la langue française pour les francophones. Selon la francophonie des amériques, hors Québec les francophones du Canada représentent 4,5 % de la population, soit environ la même proportion que les autochtones (Indiens d'Amériques, Premières Nations, Amérindiens, appelez-les comme vous le désirez) sauf dans la province du Nouveau Brunswick où ils sont 1/3 de la population.
Selon Wikipédia, les chiffres de 2011 montrent que les canadiens francophones représentent 30 % de toute la population. C'est un chiffre bien plus grand que je ne me l'étais imaginé et pourtant ça ne se ressent pas du tout (à part au Québec, province très à part qui demande son indépendance depuis un bout de temps, Vive le Québec libre toussa toussa).
Il existe véritablement une fracture entre anglophone et francophone, ce n'est pas seulement au niveau de la langue même si maintenant, j'ai le sentiment que c'en est devenu le symbole. Au départ ce fut la guerre entre Anglais et Français, puis les américains (US) qui voulaient envahir le Canada. Historiquement je ne vais pas rentrer dans les détails mais il y a eu de nombreux conflits. Au sein même du Canada, les francophones étaient catholiques et les anglophones étaient protestants, il y avait donc une fracture religieuse.
On ressent même différents esprits entre les anglo et les franco (ils s'appellent comme ça). Par exemple entre Toronto et Montréal, si vous avez la chance de visiter les deux villes, on peut constater une différence au niveau de l'architecture, dans les bars… et encore je ne suis là que pour 8 mois alors je n'y connais pas grand-chose et je n'ai pas la prétention de saisir toutes les nuances de cette fracture.
En dehors du Québec la voix des francophones est restreinte, on peut noter par exemple le Règlement 17 en 1912 qui astreignait l'emploi du français à l'enseignement de cette langue seulement. Règlement 17 qui a été aboli mais qui reste très présent en tant que symbole dans la lutte pour sauvegarder le français. Je n'en avais strictement aucune idée quand je suis arrivée, j'étais comme tous les français qui imaginent l'accent québecois comme les humoristes l'imitent. En vérité il y a bien plus d'un accent français au Canada, je vous renvoie à cette vidéo :


Donc l'emploi du français c'est très important et c'est une véritable lutte et fierté que portent tous les franco hors Québec, en Ontario on les appelle les Franco-Ontariens. Cette fierté farouche vient de la menace de l'anglais. En France on se fiche d'angliciser des mots et on les utilise sans faire attention (puisqu'on le fait mal et qu'on le prononce à la française) : Week-end, parking, basket, Brian is in the kitchen. Ici tout le monde est bilingue (ou presque) et il est facile de switcher d'une langue à l'autre you know. La plupart des jeunes franco parlent d'ailleurs les deux langues dans un mélange pimenté avec l'accent c'est un vrai régal (mais ça va au bout d'un moment on s'y fait et on prend la même habitude).
Vendre des livres francophones c'est un défi, tout comme les publier. Le but est d'assembler et de jouer sur la fibre patriotique des francophones et de rassembler cette population éparpillée et « envahie ». Ils sont beaucoup plus pointilleux sur l'emploi du français (au niveau de la ponctuation je n'ai pas le droit de prendre des guillemets anglais ou l'apostrophe anglais par exemple), ils traduisent tous les mots à consonance anglais. C'est là qu'on voit l'enjeu d'une langue, représentante d'un peuple.
Les maisons d'édition hors Québec bénéficient souvent d'aides de l’État et sont en concurrence acharnée et déloyale avec les maisons québecoises qui ont envahi le marché. Ou alors les traductions de livres anglais connus.
Les Editions David pour lesquelles je travaille, se portent, de mon point de vue, plutôt bien, avec une vingtaine de livres qui sortent par an dans plusieurs collections : poésie, romans, romans jeunesse.
Moi je suis stagiaire, alors je n'ai pas un poste prédéfini mais on peut dire que je suis adjointe aux communications. Je m'occupe de toutes sortes de tâches, très différentes les unes des autres.
D'abord je m'occupe de l'aspect communications (obviously), c'est à dire que j'essaie de donner de la visibilité à un livre ou à un auteur, à assurer une présence continue sur les réseaux sociaux (sites, facebook, twitter). Dans le même esprit je m'occupe de la revue de presse, je classe tous les articles sortis sur nos livres ou auteurs ou récompenses.
J'ai aussi la chance de lire des manuscrits pour donner mon avis afin de guider soit l'éditeur dans ses corrections mais plus souvent à l'auteur pour qu'il corrige les plus gros défauts. Je lis surtout des livres jeunesse vu que je suis la plus jeune au bureau.
J'essaie aussi de décharger le travail de ma collègue en effectuant des traductions pour des catalogues, des résumés, des infolettres …
En ce moment je m'occupe énormément d'un concours d'écriture à visée des franco-ontariens dont le thème est La première fois que… Je reçois les textes, les classe, les lis, répond aux participants, les anime et j'essaie de les encourager et de les aider. Je m'occuperai de la pré-sélection avant le jury quand j'aurais reçu tous les textes. Ils en choisiront certains et un recueil sera publié.
Je gère aussi l'aspect des envois de presse et le suivi auprès de certains journalistes ou associations, encore une fois pour donner de la visibilité à un livre.
J'ai participé à trois salons dans lesquels j'étais en stand afin d'aider, d'accompagner, de surveiller et de parfois tenir la caisse (Hawkesburry, Montréal et Toronto).
Je fais pleins d'autres petites tâches mais vous savez maintenant ce que je fais de mes journées !

Bon et bien moi j'ai mon linge à aller chercher alors je vous dis à très bientôt pour vous parler de New York


(PS : après la neige puis un redoux puis la pluie il caille et y'a du verglas partout. J'adore.)