samedi 14 janvier 2017

Mon travail dans l'édition

Eh bien eh bien me revoici ! Ça fait deux semaines que j'ai repris le travail, soit l'équivalent de mes vacances. Mes vacances qui furent assez mémorables. Je les raconterai dans le prochain post mais aujourd'hui je me suis dit que ça pouvait intéresser certaines personnes si je parlais de mon travail.
Techniquement mon stage fait partie de ma troisième année d'études post bac, je suis toujours étudiante de SciencesPo, il dure 8 mois (avec 2 semaines de congé comprises) et est à temps plein.
Je suis dans une maison d'édition francophone basée en Ontario (province majoritairement anglophone) et plus précisément à Ottawa (Ottawa est la capitale du Canada et à la frontière du Québec qui est la province francophone). Il y a plus de 250 000 francophones dans l'Ontario.
Je présente ici une carte :

On peut voir les deux villes principales : Toronto (appelée la mini New York) et Ottawa (ville avec beaucoup d'institutions publiques dont le Parlement). L'Ontario est principalement peuplé dans le Sud et l'Est.
Avant de venir au secteur de l'édition en particulier, j'ai besoin de faire un point sur la géographie et l'importance de la langue française pour les francophones. Selon la francophonie des amériques, hors Québec les francophones du Canada représentent 4,5 % de la population, soit environ la même proportion que les autochtones (Indiens d'Amériques, Premières Nations, Amérindiens, appelez-les comme vous le désirez) sauf dans la province du Nouveau Brunswick où ils sont 1/3 de la population.
Selon Wikipédia, les chiffres de 2011 montrent que les canadiens francophones représentent 30 % de toute la population. C'est un chiffre bien plus grand que je ne me l'étais imaginé et pourtant ça ne se ressent pas du tout (à part au Québec, province très à part qui demande son indépendance depuis un bout de temps, Vive le Québec libre toussa toussa).
Il existe véritablement une fracture entre anglophone et francophone, ce n'est pas seulement au niveau de la langue même si maintenant, j'ai le sentiment que c'en est devenu le symbole. Au départ ce fut la guerre entre Anglais et Français, puis les américains (US) qui voulaient envahir le Canada. Historiquement je ne vais pas rentrer dans les détails mais il y a eu de nombreux conflits. Au sein même du Canada, les francophones étaient catholiques et les anglophones étaient protestants, il y avait donc une fracture religieuse.
On ressent même différents esprits entre les anglo et les franco (ils s'appellent comme ça). Par exemple entre Toronto et Montréal, si vous avez la chance de visiter les deux villes, on peut constater une différence au niveau de l'architecture, dans les bars… et encore je ne suis là que pour 8 mois alors je n'y connais pas grand-chose et je n'ai pas la prétention de saisir toutes les nuances de cette fracture.
En dehors du Québec la voix des francophones est restreinte, on peut noter par exemple le Règlement 17 en 1912 qui astreignait l'emploi du français à l'enseignement de cette langue seulement. Règlement 17 qui a été aboli mais qui reste très présent en tant que symbole dans la lutte pour sauvegarder le français. Je n'en avais strictement aucune idée quand je suis arrivée, j'étais comme tous les français qui imaginent l'accent québecois comme les humoristes l'imitent. En vérité il y a bien plus d'un accent français au Canada, je vous renvoie à cette vidéo :


Donc l'emploi du français c'est très important et c'est une véritable lutte et fierté que portent tous les franco hors Québec, en Ontario on les appelle les Franco-Ontariens. Cette fierté farouche vient de la menace de l'anglais. En France on se fiche d'angliciser des mots et on les utilise sans faire attention (puisqu'on le fait mal et qu'on le prononce à la française) : Week-end, parking, basket, Brian is in the kitchen. Ici tout le monde est bilingue (ou presque) et il est facile de switcher d'une langue à l'autre you know. La plupart des jeunes franco parlent d'ailleurs les deux langues dans un mélange pimenté avec l'accent c'est un vrai régal (mais ça va au bout d'un moment on s'y fait et on prend la même habitude).
Vendre des livres francophones c'est un défi, tout comme les publier. Le but est d'assembler et de jouer sur la fibre patriotique des francophones et de rassembler cette population éparpillée et « envahie ». Ils sont beaucoup plus pointilleux sur l'emploi du français (au niveau de la ponctuation je n'ai pas le droit de prendre des guillemets anglais ou l'apostrophe anglais par exemple), ils traduisent tous les mots à consonance anglais. C'est là qu'on voit l'enjeu d'une langue, représentante d'un peuple.
Les maisons d'édition hors Québec bénéficient souvent d'aides de l’État et sont en concurrence acharnée et déloyale avec les maisons québecoises qui ont envahi le marché. Ou alors les traductions de livres anglais connus.
Les Editions David pour lesquelles je travaille, se portent, de mon point de vue, plutôt bien, avec une vingtaine de livres qui sortent par an dans plusieurs collections : poésie, romans, romans jeunesse.
Moi je suis stagiaire, alors je n'ai pas un poste prédéfini mais on peut dire que je suis adjointe aux communications. Je m'occupe de toutes sortes de tâches, très différentes les unes des autres.
D'abord je m'occupe de l'aspect communications (obviously), c'est à dire que j'essaie de donner de la visibilité à un livre ou à un auteur, à assurer une présence continue sur les réseaux sociaux (sites, facebook, twitter). Dans le même esprit je m'occupe de la revue de presse, je classe tous les articles sortis sur nos livres ou auteurs ou récompenses.
J'ai aussi la chance de lire des manuscrits pour donner mon avis afin de guider soit l'éditeur dans ses corrections mais plus souvent à l'auteur pour qu'il corrige les plus gros défauts. Je lis surtout des livres jeunesse vu que je suis la plus jeune au bureau.
J'essaie aussi de décharger le travail de ma collègue en effectuant des traductions pour des catalogues, des résumés, des infolettres …
En ce moment je m'occupe énormément d'un concours d'écriture à visée des franco-ontariens dont le thème est La première fois que… Je reçois les textes, les classe, les lis, répond aux participants, les anime et j'essaie de les encourager et de les aider. Je m'occuperai de la pré-sélection avant le jury quand j'aurais reçu tous les textes. Ils en choisiront certains et un recueil sera publié.
Je gère aussi l'aspect des envois de presse et le suivi auprès de certains journalistes ou associations, encore une fois pour donner de la visibilité à un livre.
J'ai participé à trois salons dans lesquels j'étais en stand afin d'aider, d'accompagner, de surveiller et de parfois tenir la caisse (Hawkesburry, Montréal et Toronto).
Je fais pleins d'autres petites tâches mais vous savez maintenant ce que je fais de mes journées !

Bon et bien moi j'ai mon linge à aller chercher alors je vous dis à très bientôt pour vous parler de New York


(PS : après la neige puis un redoux puis la pluie il caille et y'a du verglas partout. J'adore.)